Les applications d’intelligence artificielle en recrutement tendent à perpétuer, voire accentuer, les biais qu’elles devraient éliminer. Une réalité problématique sachant que 70 % des sociétés y recourent.
Derek Mobley, confronté à de multiples refus après avoir sollicité environ 100 postes via Workday, a discerné un motif troublant : les notifications de rejet arrivaient systématiquement aux petites heures. Afro-Américain, en situation de handicap, et quinquagénaire, Mobley, armé de ses diplômes en finance, attribue ces refus à une discrimination algorithmique. Avec son équipe juridique, il a initié une action en justice le 21 février 2023, dénonçant un algorithme potentiellement discriminatoire. Face à ces allégations, Workday rétorque par un plaidoyer pour une IA éthique, bien que la définition précise reste floue. La controverse dépasse le cas Mobley, interrogeant sur l’emploi équitable de l’IA dans le recrutement.
EXPANSION RAPIDE D’UNE PRATIQUE CONTROVERSÉE
Le Japan Times rapporte que 85 % des grandes entreprises américaines s’appuient sur des outils numériques ou des IA pour filtrer les candidatures. Cette tendance englobe diverses technologies, allant du tri de CV à l’analyse vidéo pour évaluer les compétences ou émotions des postulants. Matt Scherer, du Centre pour la Démocratie et la Technologie, compare cette ère à un Far West technologique.
COÛTS CACHÉS DES BIAIS ALGORITHMIQUES
Une enquête du Forum économique mondial suggère qu’un biais intégré peut diminuer de 8 % les opportunités d’emploi pour les femmes. Le cas d’Amazon, ayant retiré un logiciel discriminant contre le mot « femme » dans les CV, illustre ce problème. Les IA, entraînées sur des données historiquement biaisées, perpétuent ces inégalités, impactant négativement la diversité et, par extension, la productivité économique. Les pertes estimées pour les firmes américaines s’élèvent à des milliards annuellement, en ignorant des talents diversifiés.
APPEL À UNE RÉGULATION ACCRUE
La banalisation de l’IA en recrutement souligne le besoin de cadres légaux. En 2023, l’EEOC a émis des directives pour circonscrire la discrimination algorithmique.
De même, des initiatives légales émergent, comme à New York ou en Californie, visant à instaurer plus de transparence et d’équité dans l’usage des IA pour l’embauche.
Toutefois, pour des activistes comme Cody Venzke de l’ACLU, les mesures actuelles restent insuffisantes. La critique porte sur la difficulté à prouver une discrimination directe par les IA, alors que l’impact majeur réside dans leur influence sur les décisions humaines.